Note d’information – 3 avril 2025


Chers investisseurs,

Les récents développements liés à la mise en place de nouveaux tarifs douaniers par l’administration Trump ont ravivé les tensions commerciales et renforcé l’incertitude sur les marchés. Cette situation nourrit des interrogations sur la trajectoire de la croissance mondiale, le risque de récession aux États- Unis, et les dynamiques inflationnistes à venir avec des effets ambivalents sur les taux américains.

Nous souhaitons ici vous partager notre analyse des développements récents et leur impact potentiel sur les obligations corporate émergentes – et donc sur vos expositions à travers nos fonds IVO.

Résumé de la situation – Focus émergents (source : JP Morgan)

  • Tarifs moyens annoncés : 18,3 %, pondérés par les importations, mais l’augmentation effective du taux tarifaire serait plutôt de 12,6 points de pourcentage, en raison d’exemptions attendues pour environ 1 000 milliards USD d’importations (1/3 du total), incluant :

        o    Produits conformes à l’USMCA (contenu local minimum)

        o    Produits sous enquête de la SEC (cuivre, bois, pharma, semi-conducteurs, minéraux critiques)

        o    Produits énergétiques

        o    Produits avec au moins 20 % de contenu US

 

  • Deuxième vague tarifaire prévue le 9 avril :

        o    Tarifs proportionnels au déficit commercial bilatéral

        o    Possibles hausses jusqu’à 45 % pour des pays comme le Vietnam

        o    Instauration possible d’un taux plancher de 10 %

Notre lecture de la situation :

Les annonces d’hier ne marquent pas la fin de cette séquence protectionniste. Au contraire, elles

ouvrent la voie à des négociations bilatérales plus intenses avec les États-Unis.

Du coup, ce n’est pas tant le niveau des tarifs (10 % ou 20 %) qui importe, mais qui sera capable de les

renégocier à la baisse et combien de temps cela prendra.

En cas de sell-off, nous estimons qu’il s’agirait avant tout d’une opportunité d’achat — à la fois pour des raisons techniques propres au marché obligataire rappelé ci-après, mais aussi parce que l’ensemble des analyses convergent vers une même idée : rien de tout cela ne parait structurellement durable.

« La vraie douleur de cet événement sera la rupture de l’accord sur les flux de capitaux que nous avions avec le reste du monde », a déclaré M. Blitz. « Cette idée que vous pouvez briser le commerce, et non casser le flux de capitaux, est un fantasme. »

Quelles conséquences ?

Dans ce contexte, les investisseurs mondiaux se sont détournés du risque, ce qui a provoqué sur une semaine glissante un rallye d’environ 30 points de base sur le 10 ans du Treasuries américains et 13 points de base sur le bund Allemand.

Les matières premières, dont le pétrole, ont également réagi négativement en raison d’un important

ajustement des anticipations de croissance mondiale.

Quels risques et quelles réponses ?

Comme toujours en gestion obligataire, nous estimons qu’il est essentiel de bien distinguer les

différentes natures de risque :

  • d’abord, le risque de crédit, c’est-à-dire la capacité d’une entreprise à honorer sa dette (solvabilité) ;
  • ensuite, le risque de liquidité, qui peut apparaître si une entreprise doit se refinancer sur un marché en mode “risk-off”, avec un accès temporairement restreint ;
  • enfin, le risque de volatilité des prix (mark-to-market), lié à un repricing généralisé du prix du risque, sans lien direct avec la qualité de crédit des émetteurs.

Risque de crédit : impact limité à ce stade

D’une part, du point de vue macroéconomique, nous notons que cette nouvelle salve de tarifs n’est pas spécifiquement dirigée contre les pays émergents, mais qu’elle a une portée globale.

Plus particulièrement, nous constatons que les deux régions les plus impactées par les politiques tarifaires de Washington sont l’Asie et l’Union Européenne – deux zones géographique où nous n’avons finalement pas d’exposition importante dans nos portefeuilles – et que l’Amérique Latine et la région Afrique- Moyen Orient, qui représentent plus de trois quarts de l’exposition de notre poche obligataire, semblent moins ciblées par l’administration américaine.

Rappelons aussi que, dans la plupart des pays émergents, l’hégémonie commerciale des Etats-Unis n’est pas aussi forte qu’elle ne l’a été ou qu’elle peut être aujourd’hui avec les pays développés. La part de la Chine dans les exportations des pays émergents a considérablement augmenté au détriment de celle des Etats-Unis (hormis quelques exceptions comme le Mexique).

D’autre part, du point de vue de l’exposition crédit directe des entreprises émergentes aux tarifs douaniers, il faut d’abord dire que la proportion d’entreprises immédiatement affectées par les droits de douane est très faible. D’après JP Morgan, seuls 28 % des entreprises du CEMBI BD (indice entreprises émergentes) seraient significativement affectées, et 60 % ne subiraient qu’un impact direct minimal.

De plus, rappelons que les bilans des entreprises émergentes sont dans une situation de départ plutôt solide, et que l’univers très diversifié de plus de 60 pays et 13 secteurs constitue un atout en termes de diversification et de décorrélation pour les investisseurs en crédit à la recherche de moteurs idiosyncratiques.

En effet, la solidité financière des émetteurs est l’élément central de la thèse d’investissement sur la classe d’actifs. Les conséquences liées aux tarifs, qu’elles soient directes ou indirectes, ne remettent pas en cause la capacité des entreprises à honorer leur endettement. En cas de choc, ce sont d’abord les actionnaires qui en assumeront l’impact, via une révision potentielle des trajectoires de profit et des multiples de valorisations. Ensuite, la solidité des marges et le niveau modéré d’endettement permettront aux entreprises de faire face aux vents contraires. Ce n’est qu’en dernier ressort, et dans des cas extrêmes, que ces tensions pourraient devenir un sujet de solvabilité. À ce stade, nous n’anticipons pas un tel scénario.

Les entreprises que nous détenons en portefeuille présentent un niveau d’endettement modéré et une capacité solide à absorber une hausse des coûts, grâce à des marges opérationnelles élevées. Cet avantage structurel est déterminant en phase de retournement de cycle. Si le contexte macroéconomique venait à se détériorer, nous estimons que les entreprises des marchés émergents sont, dans l’ensemble, mieux positionnées qu’on ne le croit pour y faire face.

Leviers d’endettement nets des émetteurs HY (Source JP Morgan)

Service de la dette (Ebitda / Intérêts) des Corporates EM (Source JP Morgan)

Risque de liquidité : un impact limité, dans la mesure où les titres dits de « refinancement » ne constituent pas un axe central de notre portefeuille. Nous privilégions des émetteurs dont les échéances sont maîtrisées et qui ne dépendent pas d’un accès immédiat au marché pour assurer leur continuité opérationnelle.

Risque de volatilité (mark-to-market) : un enjeu de sentiment plus que de fondamentaux dans notre cas.

La volatilité actuelle peut entraîner un élargissement temporaire des spreads, qui ne reflète pas un risque de faillite, mais plutôt un repricing généralisé du prix du risque. Ce phénomène peut avoir des effets en cascade, à commencer par le segment du High Yield américain, mais aussi sur le prix des matières premières, et les spreads souverains des pays les plus vulnérables à une révision de la croissance mondiale. Dans plusieurs cas, des trajectoires budgétaires jusqu’ici jugées acceptables grâce à une croissance robuste pourraient être reconsidérées si cette dynamique devait s’inverser.

En tant que fonds long only, nous ne pouvons pas neutraliser totalement le risque de mark-to-market, tout comme aucune stratégie active ne peut prétendre générer de l’alpha de manière durable sans assumer une part de risque..

Comme évoqué précédemment, nous pensons ne pas être exposés à des risques de crédit significatifs, ni en termes de solvabilité, ni de liquidité – grâce à la rigueur de notre univers d’investissement. En revanche, nous ne sommes pas à l’abri d’un ajustement des niveaux de valorisations, qui peut soit être éphémère (si normalisation du risque ou du sentiment de marché), soit mais de manière moins forte, rester de manière plus durable (pricer un nouvel environnement de risque).

Ce risque de volatilité des prix doit être replacé dans la logique propre au marché obligataire : en l’absence d’une augmentation concrète du risque de défaut, toute baisse de prix doit être perçue comme une opportunité d’achat, l’obligation ayant ce que l’on pourrait appeler « l’élastique du retour au pair », c’est-à-dire une vocation naturelle à revenir à sa valeur de remboursement à l’échéance.

Ce risque mark-to-market, nous l’avons pleinement intégré dans notre construction de portefeuille depuis plusieurs mois, comme nous l’avons rappelé dans nos récentes présentations de notre Outlook 2025. En conséquence, nous avons adapté notre positionnement, en renforçant la qualité crédit, réduisant la duration, augmentant notre poche de cash et en diversifiant davantage nos expositions.

Notre positionnement actuel est défensif mais opportuniste, avec :

  • Une réduction des expositions notées B, au profit des notations BB
  • Une réduction de la duration sur le IVO EMCD (de 4,5 à ~3,7 aujourd’hui)
  • Une poche liquidité confortable (autour de 8% aujourd’hui)
  • Une diversification pays accrue
  • Le maintien d’un carry élevé sur la poche obligataire (plus de 9 % en USD au 3/4/2025), véritable amortisseur de volatilité

Ajoutons un autre élément de contexte important concernant le risque de mark-to-market en 2025 :                        La composante “taux d’intérêt US Treasury” intégrée dans nos obligations.

En effet, comme nos titres sont libellés en USD (avec une couverture totale du risque de change pour les investisseurs en euros), leur rendement se compose :

  • du rendement des Treasuries US (taux sans risque),
  • du spread souverain du pays de domiciliation de l’émetteur,
  • et, dans la majorité des cas, d’un spread corporate (souvent appelé spread-to-sovereign).

Cette composante Treasury, actuellement élevée (environ 4 % sur des maturités 5 ans), joue un rôle important dans la résilience du portefeuille face à une éventuelle volatilité des prix :

  1. Effet d’amortisseur macroéconomique : Le récent changement de narratif sur la croissance mondiale (avec une hausse des craintes de ralentissement) entraîne une baisse des taux US, qui contrebalance les inquiétudes liées à l’inflation et aux droits de douane. Contrairement à la période 2008–2022, où les obligations étaient majoritairement valorisées en spread (sans réelle composante taux), la présence actuelle d’un véritable socle obligataire en taux “risk-free” redonne au produit obligataire sa fonction de couverture et de stabilisateur macro.
  2. Effet sur le rendement total : cette composante Treasury contribue mécaniquement à augmenter le rendement global de nos portefeuilles obligataires. Or, comme souvent rappelé, le meilleur amortisseur de volatilité dans un portefeuille obligataire reste le carry.

Zoom régional :

Asie : Nous avons une exposition limitée à la région (7,7 % du portefeuille), principalement en Inde, avec seulement 1,2 % en Chine (sur des thèses d’investissement bien spécifiques). Historiquement, les pays asiatiques ont largement reposé sur un modèle protectionniste et orienté exportations, générant d’importants excédents commerciaux avec les États-Unis. Les plus exposés à ces nouveaux tarifs sont le Vietnam, Taïwan et la Corée du Sud (où nous n’avons aucune exposition), car leurs exportations représentent entre 40 % et 83 % du PIB, avec les États-Unis achetant jusqu’à 30 % de leur production. À l’inverse, l’Indonésie, l’Inde et la Chine ont des économies davantage centrées sur la demande intérieure (seulement 10 à 15 % du PIB lié au commerce extérieur) et devraient donc être moins touchées directement.

Amérique latine : Notre stratégie phare est exposée à 47 % à des crédits latino-américains. Les annonces tarifaires de Trump sont relativement bénignes pour la région : les exportations conformes à l’USMCA sont exemptées, et le reste de l’Amérique latine est concerné par un tarif limité à 10 %. En net, nous jugeons ce développement légèrement positif en relatif pour le Brésil et le Mexique. Au sein de la région, le Chili et le Pérou sont plus vulnérables en raison de leurs exportations de matières premières vers la Chine (essentiellement le cuivre), mais nous n’avons aucune exposition aux sociétés minières de la région, et très peu d’exposition au Chili et au Pérou. De plus, compte tenu de la modération des tarifs pour l’Amérique latine, les risques de représailles paraissent également limités.

Exposition au secteur de l’énergie : Notre stratégie phare présente une exposition de 20,3 % (au 31/03/2025) aux crédits du secteur pétrole et gaz. Nous soulignons que les produits énergétiques sont exclus des annonces tarifaires récentes. Cependant, la révision à la baisse des perspectives de croissance mondiale aura un impact négatif sur la demande de pétrole. Plus précisément, nous estimons que la demande mondiale de pétrole pourrait être inférieure de 200 à 300 mille barils par jour en 2025 par rapport à une croissance projetée de 1,2 million de barils par jour, ce qui exercerait une pression baissière sur les prix du pétrole à court terme.

Dans ce contexte, nous pensons que le portefeuille IVO EMCD restera fondamentalement résilient sur le plan du crédit, même si nous observons un impact mark-to-market négatif sur cette poche énergétique exposée au pétrole.

À noter que près de 12 % de notre exposition de 20 % au secteur énergétique est atténuée par des crédits bénéficiant :

  • de contrats à prix fixes de long terme,
  • d’activités dans les services pétroliers avec des contrats de moyen terme (moins sensibles aux variations de prix du brut),
  • ou de liens avec des thèses souveraines, plutôt que directement avec la volatilité du prix du pétrole.

Pour les 8 % restants du portefeuille, plus directement exposés à la volatilité du prix du pétrole, nous privilégions des émetteurs défensifs, avec des fondamentaux solides, un faible coût de production, et une capacité à générer des flux de trésorerie sur l’ensemble du cycle.

Bien que ce segment soit susceptible de connaître une volatilité de valorisation (mark-to-market), nous sommes convaincus que la qualité fondamentale des émetteurs permettra de limiter le risque de crédit. Cette conviction s’appuie notamment sur notre expérience durant le contrechoc pétrolier d’avril 2020, période pendant laquelle le Brent avait atteint des plus bas (jusqu’à 20 $ contre environ 70$ aujourd’hui), ainsi que la période de reprise qui s’en est suivie.

Conclusion : prudence active et recherche d’opportunités

Nous restons vigilants face aux possibles enchaînements de type « risk-off » généralisé. Toutefois, dans l’univers obligataire, toute baisse des prix – en l’absence d’une augmentation du risque de défaut – doit être perçue comme une opportunité d’achat : l’obligation ayant ce que l’on pourrait appeler « l’élastique du retour au pair », c’est-à-dire une vocation naturelle à revenir à sa valeur de remboursement à l’échéance.

Les obligations, à la différence des actions, ne dépendent pas de facteurs externes non maîtrisables qui peuvent durablement peser sur les prix. Le fait qu’elles aient une maturité définie et une valeur de remboursement contractuelle en font un actif unique à détenir lorsque le marché les offre à prix décotés.

Dans cette optique :

  • Nous restons à l’écoute du marché.
  • Nous envisageons de renforcer notre niveau de cash en cédant certaines lignes résistantes, pour être en mesure de nous repositionner rapidement.
  • Sans être un fonds absolute return utilisant des dérivés, notre objectif reste de protéger la performance relative en période de stress, en arbitrant les positions les plus résilientes vers celles temporairement affectées par le sell-off.

Notre portefeuille est structuré pour affronter les turbulences avec prudence et résilience. À ce jour, les fondamentaux restent solides, et notre positionnement géographique et qualitatif constitue un atout dans ce nouveau régime de marché.

Nous vous remercions pour votre confiance renouvelée et restons à votre disposition pour tout échange.

IVO TEAM

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